Un important collectif qui s’opposait depuis plusieurs mois à la junte au pouvoir en Guinée et qui avait été le fer de lance de la contestation contre l’ancien président Condé (2010-2021), a été dissous par arrêté gouvernemental alors qu’il préparait une nouvelle manifestation.
« Le groupement de fait connu sous le nom de Front national pour la défense de la Constitution est dissous » et « le présent arrêté (…) prend effet à compter de la date de sa signature », précise le document signé par Mory Condé, ministre de l’Administration territoriale et Décentralisation.
Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), coalition de partis, syndicats et organisations de la société civile, était à l’initiative des manifestations organisées les 28 et 29 juillet, interdites par les autorités et au cours desquelles cinq personnes ont été tuées. , pour dénoncer la « gestion unilatérale de la transition » par la junte.
L’annonce de la dissolution a fuité sur les réseaux sociaux lundi soir suite à un nouvel appel à manifester du FNDC le 17 août dans toute la Guinée pour dénoncer l’absence de « dialogue crédible » entre la junte, les partis politiques et la société civile.
« Leur modus operandi est structuré par des actions violentes lors de manifestations interdites, des attaques contre des individus qui ne partagent pas leur idéologie et des actions ciblées contre les forces de l’ordre », a indiqué le gouvernement dans l’ordonnance datée de samedi et authentifiée mardi par l’AFP.
« Ce regroupement de fait (…) provoque des manifestations armées sur les voies et places publiques, ayant les agissements d’un groupe combattant et de milices privées », poursuit-il.
Ce collectif « portant atteinte à l’unité nationale, à la paix publique et au vivre ensemble, ne figure pas sur la liste des ONG en Guinée, ni sur la liste des collectifs associatifs (…) et encore moins dans l’annuaire des ONG agréées en République de Guinée » , ajoute M. Condé.
- Pas concerné » –
« Nous ne commentons pas cet arrêté du ministre, nous ne nous sentons pas concernés », a déclaré Abdoulaye Oumou Sow, chargé de communication du collectif.
Cellou Dalein Diallo, le principal opposant guinéen sous l’ancien président Alpha Condé, a condamné cette décision, estimant qu’il s’agissait « d’un coup porté à la liberté, à la justice, à la démocratie et à la paix » sur les réseaux sociaux.
« L’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme et du citoyen (OGDH) a réagi en se disant « très préoccupée » par « la tournure des événements » et que « nous estimons que la confiscation des libertés des citoyens et le silence de tous les dissidents les voix ne feront que compliquer davantage la situation.
Deux des leaders du FNDC, Oumar Sylla alias Foniké Mangué et Ibrahima Diallo, sont détenus depuis les dernières manifestations à la prison civile de Conakry après avoir été inculpés de « participation à un attroupement interdit, pillage, destruction de biens publics et privés, coups et blessures ».
Le collectif avait suspendu pendant une semaine ses mouvements de protestation, dont celui prévu dans tout le pays le 4 août, « à la demande expresse » du chef de l’Etat bissau-guinéen Umaro Sissoco Embalo, actuel président de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest. (CEDEAO).
La trêve avait « l’unique objectif de donner une chance à la médiation de la CEDEAO de trouver une issue favorable à la crise en Guinée », a indiqué le FNDC.
Le colonel Mamady Doumbouya, qui a renversé Alpha Condé, au pouvoir depuis 2010, s’est engagé le 5 septembre à remettre le pouvoir à des élus civils d’ici trois ans.